[Janvier 2018]

Startup – Silicon Valley – électronique : non ce n’est pas une devinette mais bel et bien le quotidien de Marine Dunoguier aujourd’hui ingénieure entrepreneuse à Palo Alto en Californie au sein d’Alcatraz AI ! Marine est passée par les classes Scientifiques de CPGE de Blaise de 2009 à 2011 et elle a gentiment accepté de partager son parcours, ses anecdotes ainsi que ses conseils avec nous pour votre plus grand plaisir ! ☺

Très bonne lecture à tous !

L’Équipe AABP.

Marine Dunoguier / MP 2009-2011
Marine Dunoguier / MP 2009-2011

La CPGE à Blaise

– AABP : Bonjour Marine ! Merci beaucoup d’avoir accepté de nous rencontrer et de répondre à nos questions ! Alors commençons par une question classique désormais, pourquoi as-tu choisi de faire une CPGE Scientifique ?

– Marine : J’ai toujours aimé les maths et la physique et je viens d’un lycée avec un niveau assez bas en maths. Nous faisions partie d’un programme organisé par les élèves de l’ENS Ulm pour aider des jeunes qui se débrouillent pas mal mais ne venant pas de lycées favorisés. Leur idée était de nous donner envie d’aller en prépa et de nous préparer un peu à ça grâce à des mentors et des stages de formation.

J’étais aussi curieuse de me comparer à une classe où les gens sont vraiment bons pour voir ce que je valais vraiment. Enfin, je partais du principe que si j’étudiais seulement des choses que j’aimais bien, j’allais finir par tomber sur un boulot qui m’intéressait. J’avais une très vague idée de ce qu’il y avait après la prépa.

– AABP : Peux-tu nous raconter ton expérience CPGE à Blaise ?

– Marine : J’ai commencé ma MPSI en sachant que ça serait très dur car il me manquait une grosse partie du programme de maths du lycée (pas de prof). Curieusement, ça a plutôt bien marché au début parce qu’un certain nombre d’élèves mettent du temps à se rendre compte de la charge réelle de travail et se noient un peu au début. A Noël, j’ai pu avoir l’option informatique qui m’intéressait vraiment. Ensuite, j’ai eu un peu plus de mal mais j’ai pu faire ma MP sans trop de problèmes et avoir une école d’ingénieur qui me plaisait beaucoup. Un parcours pas forcément brillant mais avec le recul je n’ai vraiment pas de regrets.

Au niveau de la vie de la prépa elle-même, j’étais VZ durant ma MPSI ce qui en soit était assez sympa. J’étais aussi interne/externée et prenais tous mes repas au self. Les week-ends par contre, j’étais relativement seule vue que l’internat était fermé. C’est un peu déprimant à la longue mais on s’y habitue.

– AABP : Et qu’est-ce qui t’a le plus marqué en CPGE ?

– Marine : Et bien curieusement, ce n’est pas le travail même si c’était assez éprouvant. Avec le temps, je me rends compte que ce dont je me rappelle le plus ce sont finalement les personnes avec qui j’étais et les différentes choses qu’on a pu faire ensemble : les parties de tarot pour couper les révisions, la finale de rugby où Clermont a enfin gagné pour la toute première fois, les 40cm de neige tombés pendant la soirée de Noël et les exams du lendemain annulés à cause la neige. Ce sont finalement de bons souvenirs.

Lycée Blaise Pascal
Lycée Blaise Pascal

– AABP : Quel conseil aurais-tu aimé avoir au moment de rentrer en CPGE ?

– Marine : J’aurais aimé qu’on me dise que le nom et la notoriété de l’école qu’on vise ne veut rien dire. Il y a plein de gens qui se plient en 4 pour avoir une école prestigieuse. Certains donnent tout pour avoir Central Marseille de justesse par exemple et se retrouvent coincés dans la filière chimie alors que ça ne les intéresse absolument pas. Ici dans la Silicon Valley il y a beaucoup de polytechniciens et j’en ai entendu plusieurs dire que c’était finalement dommage qu’on ne leur ait pas dit avant que c’était plus une école de management qu’une école technique. Toutes les écoles ont des spécialités, il faut vraiment les considérer avant de postuler.

Passer de justesse la barre des admissions, c’est aussi courir le risque d’être toujours dans les derniers de promo et d’avoir les options que les autres ont laissé. Une école moins connue mais où vous êtes bien classé vous donnera la possibilité de choisir vos options, d’avoir la priorité sur les échanges et doubles diplômes disponibles et un accès privilégié aux industriels qui embauchent régulièrement dans cette école.

Certaines écoles sont très connues auprès des élèves de prépa parce qu’elles sont vieilles ou qu’elles dépensent beaucoup d’argent en communication. Ce n’est pas forcément représentatif de ce que pensent les industriels. Au contraire, un grand nombre d’autres écoles sont très appréciées des entreprises dans leur domaine. L’Ensea par exemple faisait partie des écoles cibles pour Thales et un certain nombre de grands groupes qui embauchent beaucoup d’électriciens et de codeurs. Je pense donc qu’il faut avant tout choisir un métier et ensuite s’intéresser aux écoles qui y mènent. Si vous aimez ce que vous faites vous serez bon dedans et vous aurez les opportunités que vous méritez.

– AABP : On valide à 100% ton discours ! De ton coté quel a été ton processus de sélection d’école et donc de métier ? Et comment conseillerais-tu un préparationnaire actuel qui se poserait cette même question ?

– Marine : Dans mon cas particulier, j’aimais bien l’informatique mais je trouvais que les écoles d’infos étaient trop spécialisées. L’Ensea de Cergy m’a convaincue parce que j’appréciais l’électronique et le fait de mettre au point des produits physiques et qu’ils proposaient une spécialisation de dernière année et pas mal d’options en informatique. Je trouvais que faire une école d’élec avec une spécialisation plus poussée en informatique et traitement d’image était un bon moyen de balayer l’informatique de la conception des composants au développement logiciel. De plus, cette école avait visiblement une très bonne réputation auprès des entreprises embauchant des informaticiens, beaucoup d’options de stages à l’international et énormément d’associations étudiantes.

En règle générale, je pense que la prépa c’est aussi 2 années pour affiner son projet professionnel. On aborde un peu tous les grands types de spécialisations techniques : chimie, méca, électronique, informatique, statistiques … En général, même si on ne sait pas exactement laquelle on voudrait suivre, on sait déjà lesquelles ne nous intéressent vraiment pas.

Ensuite c’est plus personnel en fonction de ce qui nous importe : grosse école ou petites promos, possibilités de doubles diplômes dans certains pays, … la liste est très vaste et très subjective.

En résumé, je pense qu’un bon moyen pour quelqu’un qui se cherche encore est de procéder par élimination en faisant une liste de ce qui ne nous intéresse vraiment pas est d’éliminer toutes ces écoles. Ensuite, pour deux écoles aux domaines similaires, je pense qu’il est pertinent de comparer la réputation et l’ouverture aux entreprises.

L’École d’ingénieur : l’ENSEA

– AABP : Tu es donc rentrée en école en Septembre 2011, quel a été ton parcours académique une fois en école ?

– Marine : J’ai intégré l’Ensea de Cergy qui est une école d’ingénieur généraliste en Électronique listée sur le concours Centrale. Mon idée était de faire à la fois de l’électronique (pour la partie bidouille) et de l’informatique (pour le code). Je me suis spécialisée en « Informatique et Systèmes » qui est une option dédiée à Linux et aux machines virtuelles embarquées en général. En parallèle de ma dernière année, j’ai également fait un master recherche ISIC « Informatique des Systèmes Intelligents et Communicants » à l’université de Cergy Pontoise pour me spécialiser en traitement d’image dans l’idée de faire une thèse derrière.

– AABP : Quel a été ton parcours associatif et extra-scolaire ?

– Marine : Plutôt chargé : j’ai entraîné l’équipe de handball de mon école, fondé un groupe de musique, été présidente d’une liste BDE et finalement j’ai également été présidente d’une association de sports de plein air qu’on a relancée avec quelques amis (escalade, course d’orientation, raids de plusieurs jours, …). J’ai également participé au 4L Trophy, quelques tournois sportifs entre écoles, la coupe de robotique et une tonne de choses dont je ne me rappelle déjà plus. L’Ensea a la chance d’avoir énormément d’associations donc il y a beaucoup de choix dans les évènements en général : festival de cinéma, soirées, sorties culturelles, …

ENSEA
Ecole Nationale Supérieure de l’Électronique et de ses Applications (ENSEA)

– AABP : Et au niveau professionnel est-ce que cela a été aussi chargé également ?

– Marine : J’ai fait mon premier stage ingénieur dans le labo de systèmes embarqués de l’Université d’ingénierie de Buenos Aires en Argentine. Le sujet consistait à remplacer le système de guidage d’un petit drone par un système embarqué fait maison et guidé par ordinateur.

Mon deuxième stage était cette fois dans une petite startup Parisienne – Kaatchy – pour développer une application Android de A à Z.

Enfin, mon stage de fin d’étude était un stage de recherche en traitement d’image pour aider les drones à se diriger à partir de photos du sol et à repérer d’éventuelles personnes au sol (le cas de base était la recherche de personnes disparues après une catastrophe naturelle).

– AABP : Quel a été le facteur déterminant dans ton choix de carrière ?

– Marine : Comme beaucoup de gens, j’y ai été un peu à tâtons. Ma première idée était de faire une thèse en traitement d’images après mon école mais l’environnement de travail m’a un peu déçue. Travailler comme premier ingénieur technique dans une toute nouvelle start-up, c’était un peu mon moyen de faire une thèse finalement. Un projet un peu fou sur quelques années pas forcément très bien payé mais très enrichissant au final. J’avais la main sur tous les aspects de l’électronique : de la conception à la réalisation. Et puis finalement l’entreprise n’a pas trop mal marché, j’ai passé plusieurs mois en Corée et en Chine pour mettre en place des lignes de production. J’ai aussi déménagé aux Etats-Unis et je me suis rendue compte avec le temps que c’était un métier tout à fait viable sur le long terme et que j’y avais pris goût.

La vie après l’École

– AABP : Quel a été ton parcours depuis ta diplomation jusqu’à aujourd’hui ?

– Marine : Au niveau carrière, j’ai débuté comme premier ingénieur technique chez Prynt, une petite startup parisienne qui démarrait juste. J’ai commencé à faire quelques projets de traitement d’image pour eux en parallèle de mon stage de fin d’étude et je les ai rejoints à plein temps juste après mon diplôme. A partir de là, j’ai changé de focus. Mon poste initial était du traitement d’images mais la personne qui devait faire l’électronique est partie et c’était clairement prioritaire. Finalement, j’ai donc pris en charge toute la partie électronique : design des cartes, firmware, conception et test des prototypes, évolutions vers un produit qui soit « fabricable » à grande échelle. Après ça, j’ai passé plusieurs mois en Corée et en Chine pour mettre en place les lignes de production et travailler avec les ingénieurs sur place. J’ai aussi planché sur les processus de service après-vente et tout ce qui touche de près ou de loin à l’électronique et au code embarqué sur les 2 générations de l’imprimante Prynt.

Prynt
Prynt – Turn Your Phone into an Instant Camera‎

Entre temps, l’entreprise c’est relocalisée à San Francisco en Californie. Au bout de 3 ans et 2 produits, j’avais envie de faire autre chose. J’ai donc rejoint quelques autres ingénieurs que j’ai rencontrés sur place et on a monté un nouveau projet basé sur de la reconnaissance faciale et de la sécurité. Encore une fois, comme il s’agit d’une start-up qui démarre, ça a été beaucoup de travail le soir et après mon premier boulot pour faire des prototypes, une première levée de fonds et commencer les procédures de visa pour passer à plein temps sur le projet. Bref, un an plus tard, j’ai réussi à changer d’entreprise et je suis toujours directeur des systèmes embarqués dans cette nouvelle structure.

– AABP : En quoi consiste ton travail actuel ?

– Marine : L’avantage des postes techniques en startups, c’est qu’on ne fait pas que de la technique. Encore une fois, j’ai la double casquette et travaille pas mal avec l’équipe traitement d’image qui est localisée en Bulgarie en même temps que sur le code embarqué dans le produit. A côté de ça, il y a tous les aspects de la création d’une entreprise : réfléchir au produit, embaucher et intégrer les gens, lever des fonds, poser des brevets… Comme on est localisés en plein au milieu de la Silicon Valley il y a beaucoup d’aides pour cela mais il faut aussi aller très vite parce que la concurrence veille.

– AABP : Pourquoi as-tu choisi ce métier ?

– Marine : « Choisi » c’est un bien grand mot. J’ai essayé un peu par hasard mais je peux vous dire pourquoi j’aime finalement beaucoup ce métier : pour le fait que je peux faire un milliard de choses différentes.

Au niveau technique, j’expérimente pas mal pour mettre en place les circuits, je code, je travaille avec des usines asiatiques pour mettre en place des lignes de productions, avec des avocats techniques pour les brevets …

Ensuite, il y a aussi l’aspect création d’entreprise qui est très stimulant parce qu’on voit vraiment son impact personnel. Ça démarre dans le salon de quelqu’un à 3 ou 4 et on voit grandir une entreprise, on pense le produit et on finit par le voir sortir d’une usine de production dans un emballage qui sera livré aux 4 coins du monde.

Enfin, le dernier point intéressant, c’est que les startups ont très souvent des équipes très jeunes et dynamiques. Tout le monde a sa chance, quel que soit son âge. J’ai été diplômée il y a à peine 3 ans et j’ai déjà pu travailler avec quelques-unes des plus grosses usines de fabrication au monde et suivi le design de plusieurs produits de A à Z. C’est extrêmement formateur et très loin de certains jobs « il faut bien passer par là » qui sont imposés aux juniors dans certains secteurs.

– AABP : As-tu une résolution pour 2018 ?

– Marine : Me remettre à la musique. J’ai passé ces dernières années à sacrifier beaucoup de temps à mon travail parce qu’une entreprise qui démarre demande du temps et personne n’est là pour faire le job à votre place. Il faut apprendre à reconnaître les vraies urgences et à se garder un peu de temps.

– AABP : Des projets d’avenir ?

– Marine : Pour l’instant, je me concentre sur Alcatraz AI. La Silicon Valley est un environnement assez incroyable quand on travaille dans la Tech et il me reste encore pas mal de choses à tester. J’ai envie de voir comment ça évolue et j’aime bien le fait de travailler avec des ingénieurs des 4 coins du monde qui ont beaucoup plus d’expérience que moi et me tirent vers le haut. Plus tard, on verra. Peut-être revenir en France ou lancer mon projet personnel. C’est dur à dire.

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